Gardienne de Causse 2

Auteur : Sophie Viescou

Voilà donc près de cinq semaines que je « travaille au terrain », chaque jour sauf en cas de grand froid ou de pluie intense.

Il y a une forme de syntonie qui s’installe, des déboires et blessures du début je passe à une forme d’harmonie avec les roches et les végétaux. Les animaux sont discrets sauf les oiseaux dont les chants accompagnent mes heures dévouées à cet endroit, un tant soit peu magique.

Je m’y sens bien, « à ma place » pourrais je dire même si pour ceux qui passent par là je suis un peu « exotique » à travailler seulement à la main.

C’est une transmutation qui s’opère, mon corps change, je découvre une capacité de travail que ne connaissaient pas mes muscles et mes os.

Bientôt le plancher et les portes viendront, au mois de mai probablement. J’en suis ravie parce que pour l’instant mon matériel doit rester dans ma voiture… la bergerie étant ouverte à tous les vents.

Aujourd’hui j’ai posé ma caméra, sur un chemin tracé par des pattes, pour voir les visiteurs animaux… Bientôt des images 😉

Il y a quelque chose d’inexprimable, d’inexplicable là-haut… Une relation forte avec ce lieu et ses habitants, ce qui me porte est au-delà de moi et si une volonté egotique se mêle aux travaux que j’effectue, une pierre ne manque pas de me tomber sur les pieds ou une ronce de me griffer la figure, juste rappel de « ce n’est pas toi qui fait ».

Je communique au terrain mes envies, je regarde la beauté du lieu et l’inspiration vient me donner l’idée « ad hoc » pour dessiner ce qui s’intégrera sans dénaturer l’existant… selon ma perception bien entendu. Je créée des chemins à travers les ronces et arbustes piquants, épargnant les fleurs au milieu du lierre rampant. Je créée des formes avec les pierres.

En fait je révèle l’existant… comme pour mon travail du bois, je vois quelque chose alors je le rends encore plus visible pour que vous, futurs visiteurs, puissiez le voir aussi. Et il y a tellement de choses à voir…

Après l’épisode « chasse », je suis aujourd’hui confrontées à nombre de croyances sur le lierre, les sangliers, les renards ou les vipères dont le terrain est empli. Alors je cherche, j’écoute les murmures du terrain et des animaux afin de ne rien sacrifier à la peur.

Oh il y a eu des erreurs et il y en aura encore… J’apprends chaque jour où se cachent les insectes et les escargots. J’observe les traces laissées par les animaux et je sens l’animal en moi reprendre sa place, c’est « enrichissant » dans son sens le plus intime.

Il y a quelques jours une amie a souhaité me rendre visite, je l’ai invitée à venir travailler là-haut avec moi ce que nous avons fait 2 jours en grande joie, le 3è fut le dernier. La fatigue de ce « travail » a ouvert une brèche de colère et de chagrin chez elle qui a mis un terme à son séjour et à notre amitié par la violence des mots que j’ai reçu. Au-delà du deuil que j’ai fait, j’ai regardé en face cette manifestation comme étant la mienne : Quelle est cette part de moi qui ne veut pas de ce projet, qui ne veut pas passer ses journées dans l’effort physique de soulever des pierres, de brasser ronces et arbustes qui piquent,… ? Et je l’ai rencontrée, celle qui veut juste profiter de l’instant, observer les animaux et ne se préoccuper de rien de matériel.

 

Alors j’ai ouvert ce dialogue intérieur que nous nous refusons bien souvent pris par l’illusion des situations extérieures. En fait c’est bien pour elle aussi que tout cela est manifesté, pour qu’elle puisse se promener en toute quiétude dans un endroit agréable à visiter et c’est fait dans la douceur, sans bruit pour ne pas déranger la faune.

J’ai vu que je ne prenais pas soin d’elle, qu’elle avait besoin de fantaisie et de s’amuser. J’ai modifier ma façon de travailler. Des pauses promenades pour découvrir de nouveaux lieux parsèment mes journées, des objets viennent décorer un arbre, un muret ou s’associer à une plante et j’ai vu une joie plus grande encore s’animer en moi.

Tout est question d’équilibre, et l’équilibre n’est pas très présent chez Sophie qui expérimente plutôt les polarités, par l’habitude d’une vie…

À bientôt pour d’autres nouvelles 😉

Sophie Viescou

« Magysticienne »
46 (Lot), France

4 Comments
  1. C’est beau Sophie. Merci.

  2. Avec joie, merci Christine d’être qui tu es <3

  3. Merci chère Magysticienne, de nous montrer une nouvelle façon d’Être sur terre, avec la nature, avec soi. C’est très inspirant pour moi.

Comments are now closed for this post.